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Discours de Jerry Rawlings

Africities 5
Cérémonie d’ouverture

27 avril 2023

1 Nous sommes arrimés à une triple crise financière, économique et de sous-emploi, écologique, chacune nourrissant les deux autres dans un processus d’approfondissement exponentiel si nous n’arrivons pas à faire face de façon coordonnée aux dérives.

2 La multiplication de grandes métropoles difficiles à gérer, comptent probablement parmi les expressions les plus visibles des nouvelles dynamiques territoriales. Cela engendre pour les Etats et les autorités locales et régionales des défis extraordinaires (services, action économique et sociale, politiques d’aménagement), face auxquels ils ont été peu armés par l’histoire et l’expérience accumulée. Les territoires urbains sont les principaux pollueurs et ils sont d’autant plus qu’ils sont mal gérés et faiblement dotés des infrastructures appropriées. Ils sont caractérisés par un niveau élevé de risque climatique pour le présent et l’avenir. Dans la réalité, les territoires urbains et leurs zones d’attraction rurales sont devenus de par leur dimension démographique et de leurs rapports économiques aux marchés internationaux, des pôles économiques, des pôles écologiques et le lieu des tensions politiques.

3 Le besoin d’alimentation et de services de bases est de moins en moins couvert par la paysannerie africaine. Le développement des techniques agricoles intensives et de la productivité est structurellement contrarié par des systèmes de prix et une organisation de la distribution qui piège les paysans dans la misère : un pouvoir d’achat en dessous du seuil de survie, l’endettement et l’exode, au moment même où l’Afrique importe sa nourriture et accroit sa dépendance externe.

4 Les jeunes africains fuient par tous les moyens possibles le continent dans des conditions dramatiques. Le monde riche et vieillissant se sent menacé ; les reflexes de rejet croissent menaçant un peu partout les acquis démocratiques.

5 Les moyens matériels et humains dont disposent les pays Africains dans le cadre du développement tel qu’il a été mené à ce jour sont insuffisants. Il faut changer de méthode, de priorités et de stratégie. Pour tous les Etats de l’Afrique, bien qu’à des degrés différents, l’accès à des économies durablement dynamiques passe par la pensée stratégique du développement et de l’émancipation sur de nouvelles bases.
La vertu du travail pour diversifier et moderniser les productions et élever les productivités doit remplacer la fatalité de l’exportation des matières premières. L’entreprise ne peut réussir que si elle est soutenue par les dépenses d’avenir (éducation, infrastructures, maîtrise des techniques, protection de l’environnement). La rupture avec l’économie de la dépendance, une autre fiscalité et une autre société de partage, sont des conditions incontournables. Il faut agir contre la simultanéité de la rente et de la marginalité pour sortir de l’impasse.

6 L’Afrique doit s’organiser pour négocier ce changement de cap, vital pour elle, avec ses partenaires sur les marchés mondiaux. La tâche n’est pas aisée. Le monde doit saisir qu’il est engagé dans des processus politiques nécessairement convergents.
Le dialogue avec le reste du monde devrait permettre de bien cerner les différentes réalités d’une nouvelle interdépendance et de faire ressortir les points de convergence pour la définition des priorités. Les trois champs, mondial, national et local, doivent travailler en articulation pour affronter ces défis, mais aucun niveau ne doit prendre en otage les autres, afin de maintenir l’équilibre des visions, des besoins et des responsabilités.

7 Pour faire face en responsabilité aux enjeux, il est nécessaire de faire face aux défis à plusieurs niveaux, faute de quoi, il ne peut y avoir de réponse concrète à la problématique du développement. Ceci est d’autant plus urgent, que la réduction à tous les niveaux des marges de manœuvre fiscales et budgétaires entraine spontanément des tendances à la recentralisation. Le progrès social lié aux initiatives et aux solidarités horizontales ne doit pas être contrarié par la verticalité des mécanismes de décision. Ce qui peut être fait en bas n’a pas besoin de remonter en haut dans le cadre de contrats de confiance clairs entre les deux niveaux.

C’est l’enjeu d’Africités V.

Ce n’est pas facile de franchir le pas sans risque, mais il faut oser le faire.
Les territoires doivent devenir majeurs dans cette perspective. Pour cela, les collectivités locales et régionales constituent l’échelon principal d’action pour agir. Il est nécessaire que les africains en tirent les conclusions qui s’imposent comme le font la plupart des institutions publiques européennes et asiatiques.

Il faut accepter de revoir les modalités de décentralisation en conséquence et d’innover en matière d’outils pour tenter de résoudre les questions de développement. Le besoin important de financement à long terme non couvert avec le maintien des pratiques du passé impose le maillage des solidarités ébranlées par l’excès de marché dans la façon dont nous définirons les solutions de sortie de crise.

Au-delà des contrastes économiques et sociaux, il s’agit de mieux comprendre pour le continent dans quelle mesure la décentralisation a contribué ou contribue à rapprocher le centre de gravité des décisions du niveau local, dans quelle mesure elle a favorisé des politiques de développement plus proches des territoires ou des politiques urbaines plus hardies.

Cette réflexion permettra de mieux cerner l’importance du renforcement des collectivités locales et de mieux discerner où doit aller l’argent. Pour parler avec efficacité des territoires, il faut réunir les acteurs aux trois niveaux.
Dans la perspective envisagée, il y a nécessité de (re)structuration des champs politiques central et local dans une configuration d’ouverture démocratique (acceptation des oppositions et des conflits) ou de configuration inverse (unification autour d’une même pratique politique).

Il ne faut négliger la mobilisation d’aucune capacité sociale autonome par rapport à celles que peut maîtriser un État central (en matière d’investissement, de redistribution, d’application des politiques, de leur évaluation et de leur contrôle) (complémentarité organisée).

Ces tâches qu’affrontent les gouvernements africains n’ont rien de simple. En matière de développement, les processus de décision ont besoin de l’élaboration collective et d’équilibre des pouvoirs. Il devrait être permis aux que collectivités locales de concevoir et négocier des évolutions pour le territoire sur leur autorité et d’expérimenter des solutions adaptées. En second lieu la décentralisation ouvre sur la différenciation, enrichissement vital pour permettre au système d’évoluer par référence aux pratiques.


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